14 septembre 2010

Les Essais

« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi ». Il y a, au-delà de tout mon discours, et de ce que j'en puis dire particulièrement, je ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union. Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous entendions l'un de l'autre, qui faisaient en notre affection plus d'effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel ; nous nous embrassions par nos noms. […] elle [cette amitié] n'avait point à perdre de temps et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. Celle-ci n'a point d'autre idée que d'elle-même, et ne se peut rapporter qu'à soi. Ce n'est pas une spéciale considération, ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c'est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange, qui, ayant saisi toute ma volonté, l'amena se plonger et se perdre dans la sienne; qui, ayant saisi toute sa volonté, l'amena se plonger et se perdre en la mienne, d'une faim, d'une concurrence pareille. Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien, ou mien »…


Extrait du livre Ier, chapitre XXVIII,
Michel de Montaigne, 1580

31 août 2010

Color my life with the chaos of trouble

On est responsable de ces mots-là. Il ne faut pas se plaindre, après, de les avoir prononcés. On est responsable de ses mots. Il faut apprendre à être vigilant. C'est de ta bouche que sont sortis ces mots ennemis, ces mots qui te défigurent. Ne reproche rien aux mots. Ils sont là parce que tu les a laissés être là et, petit à petit, ils prennent toute la place. Je vais te dire, ils prennent même ta place et parlent en ton nom.

17 août 2010

Chat Online : les réseaux sociaux de la fraternité

J'ai un peur bleue de l'avion. Encore ce matin, mon frère ainé m'appelle juste pour me dire après mon allo "demain tu vas mourir". Hier soir, il craquait.

Hugo dit (23H58) :

c'est quand qu'on crève enculé
bon toi déjà c'est après demain dans l'avion ? mais nous con ?


Mrs Singer dit (23:59) :

pffffffff TG j'ai rêvé de ca cette nuit
et un avion vient de se scratcher en Colombie
coupé en trois par un éclair
UN SEUL MORT NOM DE DIEU


Hugo dit (23:59) :

ouais j'ai vu

Mrs Singer dit (23:59) :

comment c'est possible

Hugo dit (23:59) :

à l'attérissage je crois

Mrs Singer dit (00:14) :

au fait toi tu crèves en décembre dans l'avion quand tu viens me voir

Mrs Singer a dit (00:15) :

enfin au retour de préférence

Hugo dit (00:18) :

on va tenter ouais

Hugo dit (00:31) :

Bon allez je me couche
Profite bien de ta dernière journée en vie
heu, ici


Mrs Singer dit (00:33) :

HAHAHAHAHAHA.
Ciao


Hugo dit (00h34) :

viao
Merde! ciao
Ma chute tombe à l'eau.


Mrs Singer dit (00h35) :

pffff blaireau!

Hugo dit (00h35) :

^^
tg connasse


Mrs Singer dit (00h35) :

ho non te mets pas à faire des ^^ comme les connes

Hugo dit (00h36) :

hihi Patate XD

Mrs Singer dit (00h36) :

hùhù normalement j'le fais jamais heinhihihihhinhin looooool

A demain pour la Cène. Bise.

Hugo dit (00:37) :
Bises


*******************************************************


J’écris un mot à mon petit frère, après lui avoir déplacé tout son matériel informatique, je l’informe donc par ce présent que je termine d’utiliser ses affaires le lendemain, qu’il ne prenne pas la mouche pour rien. (ces petits cordons et autres appareils électroniques étrangers étant ses petits bébés)
Le lendemain, je tombe sur le mot et vois écrit entre mes lignes « je t’emmerde. »
Je suis donc un peu vexée de son petit mot de couillon, et le chope sur internet pour lui dire
:

Moi : Pourquoi tu as écris je t’emmerde sur mon mot, connard ?
Lui : C’était une blague.
Moi : Pour la peine j’ai shooté dans ton ampli.
HAHAHAHAHAHAHAHAHA !
Lui :|


Y'a aucun doute, ils vont me manquer mes reufs.

04 août 2010

I think she’s the saddest girl to ever to hold a martini.



Je sens que je vais bientôt changer de blogsphère. C’est ainsi.
Le fond noir me dérange de plus en plus et puis j’avoue que canalblog me manque.
Il paraît aussi que je vais attaquer une nouvelle vie comme disent les plus optimistes, alors il serait temps d 'aller voir ailleurs si vous voyez ce que je veux dire.
En attendant ma vie se résume à dormir/travailler/dormir. Tout cela dans un cadre rural le plus tranquillisant possible, la voisine d’enfance et les animaux qui sautent dans le lit au réveil.

Il parait d’ailleurs que je suis détestable au réveil. Mes parents l’ont bien compris : ils ne m’adressent pas la parole avant l’heure qui suit mon lever. Ma mère tente parfois de casser les habitudes et elle le regrette très vite. Elle dit qu’elle espère que « si un jour j’ai des enfants je changerais de manie ». Mais moi j’espère surtout ne pas avoir d’enfants et encore moins devoir me lever pour travailler. Oui bon d’accord c’est un peu surréaliste. Mais quand même. Le réveil c’est personnel voyez-vous. J’ai besoin de mes ¾ d’heure pour remettre le cerveau à niveau, faire le bilan de la nuit et anticiper la journée qui m’attend. Donc je plonge le nez dans mon verre de multivitaminé et je lis le journal, pendant au moins vingt minutes. Après je finis ma nuit sous la douche et à partir de là je suis opérationnelle. Mais ça sert à rien de venir me prendre la tête à me dire que mes cheveux trempent dans le chocolat chaud ou que mon chat a encore réveillé la maison à 5h du matin pour sortir parce que je ne répondrai qu’en rugissant avant de rentrer de nouveau dans mon mutisme.
Bon ce qui est génial avec ma personne c’est que je ne suis pas rancunière. C'est-à-dire que vous pouvez m’énerver dès le matin déjà y’a peu de chance que ça m’atteigne. Ou bien je pars au quart de tour. J’ai tellement pas la force de batailler verbalement que je laisse couler et au pire, je pars un peu remontée au travail mais une fois la journée terminée j’ai déjà oublié ce qui s’est déroulé quelque heures plus tôt et je suis une fille formidablement gentille.

De toute façon au boulot je n’ai pas intérêt à emporter ma mauvaise humeur parce que là bas tout énerve très vite. Les collègues quand ils sont dans le jus ils peuvent injurier la terre entière et venir vous faire un calin dans les dix minutes qui suivent. De mon côté j’ai l’impression que je n’ai jamais été aussi zen qu’à ce boulot là. En fait y’a tellement de choses énervantes qu’au lieu de monter en flèche ça me fait marrer et je reste calme tout en travaillant vite. Mais y’en a qui persévèrent à mettre une ambiance catastrophique alors aujourd’hui j’ai dis à Roussette qu’il fallait qu’elle arrête de gueuler tout le temps parce que s’il s’agissait de se parler comme du poisson pourri j’étais la meilleure à ce petit jeu. Alors Roussette elle a cassé une assiette puis elle a cessé de meugler.
En plus c’est pas de sa faute elle a une voix de poissonnière et un bel accent bordelais et je crois comprendre qu’on lui a jamais appris à parler doucement. Mais elle est vraiment grossière des fois elle abuse. Je suis sûre qu’elle se ferait recaler au casting de l’amour est dans le pré c’est vous dire.

Puis y’a Charlie aussi qui est bien bizarre. Je crois qu’elle me fait des avances mais je ne veux pas trop savoir. Déjà elle s’appelle Charlie ça va pas du tout vous êtes d’accord. Après elle est aussi grande que moi (ça, c’est bien) mais elle a des cheveux blonds qui lui tombent jusque sur les fesses et ça ça va pas du tout enfin, moi je n’aime pas. Puis elle a une gueule d’ange mais la même voix que Rocky Balboa alors bin ça me fait tout drôle. D’ailleurs elle je la zappe depuis le jour où je lui ai fais remarquer qu’elle tenait le bon phrasé pour obtenir les objectifs de vente. Oui parce qu’au boulot on est à la fois barmaid, caissière, femme de ménage et commerçante. On a des produits à écouler et ça change tous les jours suivant les gentils patrons qui décident de ce qui doit être vendu au profit des actionnaires qui récoltent la monnaie. Bref on nous apprend tout un vocabulaire commercial pour pousser le client à acheter, et un jour je passe à côté de Charlie et je l’entends sortir toute la panoplie et vas-y qu’elle refourgue tout le rayon. Alors je lui dis « bravo tu gères. » Oui parce qu’elle était nouvelle alors je voulais faire la gentille et l’encourager. Et la meuf elle me répond « bin oui j’ai travaillé à Coffe Nuts lorsque je vivais en Amérique. » Mais sur un ton super prout prout tu vois ce que je veux dire lecteur. Puis elle a tourné les talons et elle est partie faire sa belle. Alors bon depuis Charlie je la calcule plus mais elle elle semble un peu trop me calculer. Heureusement il ne me reste plus que 8 jours à faire sinon je pense que je finirais par avoir droit à la confrontation.

En plus une confrontation j’en ai déjà eu une avec Linda mais c’est pas le même genre de confrontation. En fait Linda c’est la nouvelle meuf de Gauffre et si t’es pas au courant lecteur Gauffre ca a été mon mec pendant deux ans. Ca fait déjà 17 mois qu’on est séparé et depuis Gauffre il n’avait pas eu de vraie histoire donc j’étais bien contente d’apprendre qu’il avait une petite chérie. Sauf qu’elle ne semblait pas aussi ravie de me voir débarquer au concert l’autre soir. Faut dire que Gauffre ne l’avait pas prévenue que je serai là, il a attendu le moment où le petit monsieur déchire le ticket d’entrée et vous souhaite une bonne soirée pour me dire que Linda nous attendait. Alors moi je m’en fichais j’ai dis cool. Mais Linda à en voir sa tête elle était bien remontée contre Gauffre. En plus ça c’est tout à fait son genre, lui il a la tête dans les nuages il a pas calculé une seule seconde que la situation pouvait déranger, de son coté comme du mien. De mon côté il avait raison car il me connait et il sait que ça ne me dérange pas, mais quand bien même par rapport à sa copine il a pas pensé qu’elle pouvait être gênée. Pour lui du moment que c’est bien dans sa tête c’est bien dans la tête de tout le monde. C’est typiquement Gauffre ça, son coté Gaston Lagaffe et perché dans tous les sens du terme. C’est la personne la plus cool du monde et qui ne sait pas ce que c’est de stresser. En fait en deux ans de vie commune je l’ai jamais vu stresser et à peine contrarié. Même le jour où on avait les flics au cul et qu’on a raté de peu le débarquement chez papa maman je l’ai vu jouer à la console tandis que moi je m’arrachais les cheveux. C’est le genre d’attitude qu’on n’oublie pas et d’ailleurs la vie est bizarrement fichue car tout ce qui me faisait rire chez lui est aussi tout ce qui a fait que je l’ai quitté. Parce que Gauffre et moi c’était pas une séparation à la con qui s’est terminée par des fracas de vaisselle cassée ou des injures indélébiles. Ni parce que l’un avait trompé l’autre ou bien parce qu’une distance s’imposait par le travail ou autre. On a été beaucoup plus classe que tout ça même qu’on a vécu quelque mois à 300KM l’un de l’autre et que c’est une fois qu’on a habité de nouveau ensemble que ça a déconné.
Oui parce que la vie est bizarre je viens de vous le dire.

Tout ça pour en revenir à sa meuf qui a tiré la tronche et qui s’est pas gênée même si j’étais là. Alors avant qu’elle pète son câble je me suis un peu éloignée surtout qu’il s’agissait du concert d’Angelo Debarre, David Reinhardt, Romane Elios Ferre et autres guitaristes en or donc j’avais envie d’aller devant. Finalement j’ai fini par aller la voir à un moment juste pour lui dire relax, où est le problème ? Mais elle a été hypocrite en disant qu’elle était énervée parce qu’elle avait attendue trois plombes Gauffre. N’empêche, son argument était totalement recevable. On était aussi les rois des gens en retard et « j’en ai absolument rien à foutre de faire attendre les copains pendant trois heures. » Je me suis sentie pas franchement à l’aise surtout que je déteste ce genre de situation et que même si elle craquait sévère je pouvais pas m’empêcher d'essayer de me mettre à sa place. J’imaginais qu’elle bouillait de l’intérieur et même si c’était pour de mauvaises raisons, j’arrivais à peine à lui en vouloir. Pendant trois minutes je replongeais dans ce genre de mauvais sentiments accumulés cette année lors par exemple, sûrement des plus marquants, les plusieurs week-ends de formation durant lesquels je devais supporter du monde pendant plus de 48H non stop alors que j’avais qu’une envie, celle d'être dans le noir, de m’enfoncer sous mes draps et de mordre ma couette. Croiser l'amour qui me donnait mal au ventre en silence et réaliser qu’à force de faire comme si cela ne faisait rien ça finissait par ne plus rien faire.
« J’ai vite compris mais j’ai mis du temps. »

J’ai fais la fine bouche et ça m’a fait un peu mal parce que j’ai vu Gauffre énervé et ça c’est pas non plus son habitude. Il a commencé à être grossier en parlant de « sa grosse » alors là j’ai senti que c’était pas l’amour fou et ça m’a fait bizarre lecteur. J’avais envie de retourner voir Linda et de lui dire que Gauffre c’est pas un mec à qui on fait des crises pour un oui pour un non, que si jamais elle a des pathologies comportementales c’est pas une raison pour s’énerver contre lui parce que Gauffre c’est une crème et s’énerver contre une crème c’est comme crier dans l’oreille d’un sourd : sans grand intérêt. Aussi lui dire qu’une heure avant il m’avait dit qu’il mettait un peu de temps à s’attacher et qu’il sentait qu’elle l’était plus que lui et qu’elle semblait être un peu « chiante ». Je lui avais répondu qu’il se laisse du temps et qu’il voit, des fois on n’est pas frappé par Cupidon du premier coup et le coup de foudre instantané c’est plutôt pour les films avec Hugh Grant. Alors j’ai hésité à faire comprendre à Linda qu’il fallait qu’elle s’écrase sinon il allait partir en courant. Mais bien entendu tout cela ne me regarde pas donc je n’ai absolument rien dis puis j’imagine qu’elle ne l’aurait pas très bien pris. J’ai pas non plus voulu faire la drama queen en mode « je sens que je dérange donc je m’éloigne », j’ai prétexté vouloir faire un tour du site et là miracle un jeune anglais est venu me taper la conversation pendant près d’une heure.

Le concert se déroule tranquillement et l’anglais a un accent français qui me donne des chatouilles au ventre. Il me demande si je connais Daft Punk et Johnny Halliday. Je lui demande s’il est humoriste dans son pays d’origine. Non, cuisinier il me répond. Il est mignon mais il a un bandeau dans les cheveux et ça je suis désolée ça me casse mon groove. Le bandeau c’est pas pour n’importe qui.
Mais il veut absolument parler français et moi anglais donc on rigole et il pose plein de question. C’est marrant les conversations avec les étrangers on a l’impression qu’elles sont riches alors qu’en réalité on passe trois heures à poser les questions banales. Tout ça pour dire qu’à un moment Gauffre vient me retrouver pour me demander si je veux à boire. Au même moment Linda qui avait dû fumer assez d’herbe pour sentir qu’elle avait été ridicule vient nous retrouver. Gauffre tente de parler de son métier à l’anglais et lui dis qu’il fait du bâtiment en France et en Europe et moi j’explose de rire parce qu’il est allé une fois en Espagne et à l’entendre parler il passait son temps à faire du ciment pour la SNCF. Du coup Gauffre bon joueur se marre et me fait un petit bisou sur la tête. Linda arrive à cet instant et l’anglais balance à Gauffre en me désignant « Ho, is she your girlfriend ? »

Qu’est-ce qu’on se marre ici, je vous jure.

23 juillet 2010

Je t'aurais cruellement aimé, Jim.

Dans tout les poèmes il y a des loups
tous sauf un,
le plus beau de tout les poèmes.
Elle danse dans un cercle de feu
et rejette le défit d’un haussement d’épaule ...

21 juillet 2010

On The Problematics Of Deconstruction



" Each time that I write something, and it feels like I’m advancing into new territory, somewhere I haven’t been before, and this type of advance often demands certain gestures that can be taken as aggressive with regard to other thinkers or colleagues – I’m not someone who is by nature polemical but it’s true that deconstructive gestures appear to destabilize or cause anxiety or even hurt others—so, every time that I make this type if gesture, there are moments of fear. This doesn’t happen at the moment when I’m writing. Actually, when I write, there is a feeling of necessity of something that is stronger than myself, that demands that I must write as I write. I have never renounced anything I’ve written because I’ve been afraid of certain consequences. Nothing intimidates me when I write. I say what I think must be said.
That is to say, when I don’t write, there is a very strange moment when I go to sleep. When I have a nap and I fall asleep. At that moment in a sort of half sleep, all of a sudden I’m terrified by what I’m doing. And I tell myself : “You’re crazy to write this!” “You’re crazy to attack such a thing!” “You’re crazy to criticize such a person.” “You’re crazy to contest an authority, be it textual, institutional or personal.” And there is a kind of panic in my subconscious. As if .. what can I compare it to ? Imagine a child who does something horrible, Freud talks of childhood dreams where one dreams of being naked and terrified because everyone sees that they’re naked. In any case, in this half sleep I have the impression that I’ve done something criminal, disgraceful, unavowable, that I shouldn’t have done. And somebody is telling me “But you’re mad to have done that.” And this is something I truly believe in my half sleep. And the implied command in this is : “ Stop everything! Take it back! Burn your papers!” “What you are doing is inadmissible!”
But once I wake up, it’s over.
What this means or how interpret this is that when I’m awake, conscious, working, in a certain way I am more unconscious than in my half sleep. When I’m in that half sleep there’s a kind of vigilance that tells me the true. First of all, it tells me that I’m doing is very serious. But when I’m awake and working, this vigilance is actually asleep. It’s not the stronger of the two.

And so I do what must be done. "

18 juillet 2010

Je ne voudrais que des bobos popotes.



Il faut que je vous parle d’Etan.
Tout d’abord parce qu'il porte un prénom merveilleux.
Classé dans la catégorie des noms doux qui se prononcent fabuleusement entre mes lèvres.
Etan est un garçon, âgé de 26 ans.

Lorsqu’on demande à Etan ce qu’il fait dans la vie, il répond qu’il est admirateur du néant.
En fait, il étudie la philosophie en même temps qu’il persévère dans des études de droit.
Allons bon.
Etan est aussi un classieux serveur, qui sait porter des plateaux de 10 kilos tout en dansant la polka.
Atrocement souriant avec la clientèle, il se retrouve chaque jour avec des pourboires monstrueux.
Pourtant, Etan passe son temps à dire qu’il en a marre, et qu’il partira.

J’ai rencontré Etan un soir de débauche où je traversais la ville avec Gwadale pour trouver quelque chose à me mettre sous la dent. Quelque chose de vivifiant qu’on avait envie de savourer ensemble, car Gwadale et moi, c’est une vieille histoire, et entre Gwadale la poudre et moi, c’est une aussi vieille histoire. Passant du statut de nones moralisatrices à celui de fêtardes abusives, cela faisait des mois entiers que nous n’avions pas salué ensemble ce que nous avions tant aimé découvrir à deux.

Ce soir là, j’étais en repos pour encore 24H, et Gwadale m’avait presque ordonnée de dormir chez elle, dans son 20m carrés bordélique, devrais-je dire son four. N’ayant pas besoin de me faire prier, je n’ai plus de toit dans cette vieille cité bordelaise et y vais désormais en touriste, avec mon sac et ma guitare comme dirait Francis, dans la certitude de trouver une porte qui s’ouvrira sûrement.

Comme cela fait parti du deal, les produits illicites sont toujours générateurs de faux plans/faux espoirs et soirées improvisées. Encore une chose que j’avais oublié avec Gauffre, tant Gauffre avait de contacts et surtout, le flaire pour dénicher les meilleurs trucs au bon moment. Mais ce soir-là, c’est lui qui nous a plantées à la dernière minute, après une journée de dur labeur qui l’a empêché une fois débauché d’aller trouver ses complices coursiers.
Tant pis, nous irons prendre l’air. Cela fait déjà trois heures que nous cuisons à une terrasse sans arrêter de parler, nous pouvons bien poursuivre nos conversations ailleurs.

Voilà qu’on arrive devant ce vieux cinéma bordelais tant réputé.
Pourquoi pas ici, après tout ? Cet endroit est rempli de bourgeois et de jeunes pimbêches en décolleté buvant des mojitos, et la bière est la moins chère du coin. On pourrait tenter de se fondre dans le décor, puis, j’ai envie de lire le programme, au cas où j’aurais l’idée d’inviter quelqu’un partager un film ou deux.

Tiens. Voilà qu’à peine assise, une jeune fille me bouscule, sans faire exprès.
Elle allait visiblement retrouver son père et était sur le point de lui sauter dessus.
Ce visage me dit quelque chose.
Ha, quelle étrangeté. C’est l’ex de. , dis-je à Gwadale. Elle travaille à côté en fait, c’est logique.
Je m’épate de savoir la reconnaître alors que je ne l’ai jamais vue auparavant.
La magie d’internet et ma mémoire sélective qui ne ferme pas les yeux sur certaines photos.
Elle a un air bien particulier. Un visage de maligne, je trouve. Quelque chose de lumineux dans son sourire. Elle a l’air tellement heureuse de voir son père. J’aime bien comme elle est habillée. Un sarouel et une chemise légère. Je l’envie, je crève de chaud sous mon petit pull.
Du coup, nos regards se croisent pendant un certain moment, et je finis par détourner le mien. Je n’aime pas cela, je sais qui elle est mais elle ignore qui je suis. Restons-en à ce qu’elle voit, une parfaite inconnue.
Gwadale me regarde, on sourit.

L’entrevue ironique nous mène à parler chiffons et serviettes, à vitesse grand V, sans limites et retenues. Gwadale est en pleine crise sentimentale, elle flippe car elle ne sait pas dire si elle aime ou non son mec. Je lui dis qu’elle se pose les mauvaises questions, et surtout, que ce sont de mauvaises raisons qui lui font se les poser. En fait, ma réponse ne fait pas l’unanimité. J’imagine coloc m’entendre dire cela, et je sais que pour elle et sa manière de fonctionner, il est évident que savoir poser des mots sur des sentiments est quelque chose de primordial, encore plus lorsqu’on partage sa vie avec l’autre depuis presque deux années. Le contraire serait le début d’une trahison car malhonnêteté car perdition.

Moi, je fais des tours de bras dans le vent.

Je ne sais pas ce que je ressens, je sais seulement que je ressens. C’est ma pile, mon repère. La seule distinction que j’arrive à faire, c’est reconnaître si je suis sur la voie de.
Car. Soit. Papillons, sourire niais, report constant à l’autre. Sourire niais. Excitation. Bousculade. Ressemblances, déchirures, boites à questions, créations de projections idéalisées et échanges de confidences enterrées. Soit. Je me sens juste bien et « apprécie » passer du temps avec l’autre. Sans aucun soucis d’avenir, d’anticipation même des problèmes, d’égo heurté, de sensations bafouées, de déceptions. Foutue vie peinarde qui ne me correspond visiblement pas, et, tant pis, pour l’autre, tant mieux, pour moi. Je ne suis pas là pour gâcher mon temps à me sentir seulement bordée et « tranquille », cousin.

Que leur Dieu m’en garde.
On s’en fout, Gwadale, ce n’est pas parce qu’il te manque que tu l’aimes, ce n’est pas parce que tu es séduite par le nouveau que tu ne l’aimes pas, ce n’est pas parce tu es nostalgique que tu ne l’aimes plus, ni parce que tu ne lui as pas dis depuis des mois. On s’en fout. That’s not the problem in fact.

Je m’aperçois que le serveur qui m’effleure sourit en même temps qu’il nettoie la table à côté de la notre.
« Y’a de l’euphorisant dans ta lingette puante ? lui demandais-je.
Etan se tourne vers nous et son sourire s’accroît.
« Pas dans ma lingette » dit-il.
Gwadale et moi échangeons un regard.
« T’écoute tout ce qu’on dit depuis tout à l’heure ? » elle lui demande.
« J’ai pas le temps d’écouter toutes vos questions existentielles. J’ai juste entendu quand ta pote parlait des besoins de séductions et de son profond moi »
« C’est tout ?!! criais-je. En fait t’as entendu le plus personnel quoi. »
Il pose son plateau. On sourit toutes les deux et on le regarde avec de gros yeux.

« Heureux de faire ta connaissance. Un jour il faudra qu’on ait une discussion toi et moi. »

Ouais vas-y, t’es trop drôle mec. Gwadale attrape une cigarette comme si le moment à venir était à savourer en même temps que la nicotine. Je souris toujours mais d’un air moqueur, je ne dis rien et je sens qu’à la vue de ma bouche qui se tort, il ne sait pas comment je le prends. D’ailleurs je ne sais pas moi-même comment je le prends, d’un côté c’est typiquement le genre de phrase de charmeur à la con que je déteste entendre, d’un autre, sa tête m’est sympathique et ses yeux ne donnent pas l’air faussement affriolants, ils le sont, justes.
« Avant de se la jouer compréhensif et solidaire, tu peux me dire si tu as vraiment de l’euphorisant ou si tu souris toujours aussi bêtement sans raison ? »
« Combien ? »
« Un »

Il part téléphoner.
Je l’observe, et, de profil, me rends compte qu’il me fait penser à Gaël.
Personne ne me fait penser à Gaël. Gaël est mort et personne ne doit lui ressembler.
Mais quoi que je dise, il a quelque chose de lui.
Je laisse mon cœur se tordre deux secondes.
Il revient.
« Dans une demi heure » Nous dit-il.

Là, c’est juste trop le fun. On est là à picoler depuis des heures, retournant les contacts téléphoniques (de vrais lâcheurs, ceux-là, rentrant dans le cadre de la lose pour la recherche stupéfiante), se moquant de nous-mêmes et de notre soirée étoilée qui devenait soirée arrosée, et là, un mec sorti de nulle part, un putain de mec qui sert des bières dégueulasses avec un t-shirt portant une énorme tête de squelette, vient à surprendre notre conversation et nous trouver ce que nous voulions.

Inutile de préciser que la trouvaille était remarquablement bonne, et que, pour le remercier, on a amené Etan avec nous à l’arrière boutique. Etant de service pour encore deux bonnes heures, il nous proposa de le retrouver à la fin de son service, afin de passer le reste de la nuit sur les quais bordelais avec des potes à lui musiciens. Ha, les potes musiciens, toujours là pour égayer des soirées, dans la vie !

En attendant qu’il termine, Gwadale et moi décidons de quitter les bobos pour aller se changer, faire le plein, et visiter de nouveaux bars.

En retrouvant Etan, mon cœur bat la chamade et il s’accélère à la vue d’un message sur mon portable. Un message qui me parle mais un numéro que je ne connais pas. Je réponds en demandant si c’est une erreur, on me répond « pardon. » Laisse béton, me dis Gwadale. Tu crois que c’est lui mais s’en est peut-être un autre. Je ne crois rien. Lui ne dirait pas pardon. Certainement pas. Lui ne dit absolument rien.
Je coupe cette machine à emmerdes qui ne m’a définitivement servit à rien ce soir, et la range au fond de mon sac.
Etan arrive toujours souriant, et nous propose de boire un dernier verre avant de retrouver les marginaux. Parfait, nous sommes assoiffées, et il n’est pas bon de s’arrêter au 10ème verre.

Il ne nous demande pas comment nous allons, ni ce que nous en pensons, ni si nous sommes des branleuses pour de vrai ou si c’est juste la mode d’un soir. Nous apprécions.

« Ca m’a fait marrer de vous entendre parler toute à l’heure. C’était pas bête, ce que vous disiez. »
« Tu ne me connais pas, je m’en fiche que tu ais entendu quoi que ce soit. »
« Tout va bien alors. Tu es une écorchée ? »
« Oui. Une orpheline. Victorieuse d’âmes chamboulées par leur propre existence et mon amour. Je pensais souffrir, mais je suis juste malade de la chaleur estivale. Le reste, qu’il parte. J’en ai à revendre, paraît-il. »
« Et bien, je n’ai pas d’argent, mais j’apprécie ce don érotique! »
On se sourit.

« On va se la mettre sévère et chercher de quoi fifizer ? »

Quoi ? Qu’est-ce-qu’il raconte ce plouc ? J’espère qu’il parle pas de trouver d’autres drogues, j’ai pas non plus envie de finir épave ce soir. Enfin, pas plus que là.

« Et bin, vous ne connaissez pas la combinaison du tiercé gagnant ? Dans la vie, il y a les bobos, les fifiz et les popotes. Les bobos, c’est la personne avec qui l’on sort. L’officielle quoi. Le petit copain la petite copine. Les fifiz, c’est les personnes qui nous tournent autour, ou celles auprès de qui on tourne, bref, très vite, des éventuels plans culs, ou/et les roues de secours, celles qui font, généralement et même si on se l’admet à peine à soi-même, qu’on quitte le bobo pour pouvoir fifizer tranquillement sans causer de tort. Jusqu’à ce que le fifiz prenne la place du bobo et perde son intérêt de fifiz. Puis, il y a les popotes, qui sont des proches ou des moins proches, bref, des « potentiels », que l’on aime bien et avec qui on partage des chouettes trucs, que l’on n’ imagine pas un jour devenir bobo et encore moins fifiz. Pourtant, il suffit d’une fois pour que le popote devienne fifiz puis bobo. Dans la vie, tout le monde a des bobos, des fifiz et des popotes. Quoi qu’on dise, on fonctionne tous de la même manière. Dès qu’on se met à fifizer, il faut jarcler le bobo. Puis, vint les instants de petits moments volés, d’affection et de légèreté. Mais le fifiz n’est pas quelqu’un de fiable car il ne nous permet pas d’être pleinement heureux car quoi qu’on dise, le fifiz ne remplace pas le bobo. Alors, on passe à la boboïsation et tout repart à zéro. »

J’écoute ce qu’il dit et souris. C’est tellement facile de rentrer des gens dans des cases ?

J’ai l’air cruche à dire que je n’ai pas de fifiz.
Je n’aime pas les roues de secours, c’est soit tout soit rien, c’est ainsi.
Je n’aime pas qu’on me court après, si je ne regarde pas bien c’est que je n’y trouve pas grand intérêt à m’y pencher, ou bien juste périodiquement, et ça, ça sent mauvais. Je n’aime pas faire croire en des choses que je ne veux pas donner, jouer un faux air me fatigue rapidement, ni, fricoter avec des éventuels, tandis que je partage des choses avec quelqu’un, ou pas.
Puis, je n’ai pas besoin d’une roue de secours pour me détacher du bobo, puisque je n’en ai pas.
N’aimant pas en être une moi-même, il ne risque pas de pointer le bout de son nez, ou bien il parviendra à déguiser ceci en cela et le tout sera alors le bon.
Le potentiel exceptionnel est parti en courant clamant qu’il refusait d’en être un.
Visiblement, il a manqué de tout saisir.

Je regarde droit devant tandis qu’on quitte le bar pour attaquer une longue marche.
Je commence à être sérieusement ivre et je vois Gwadale qui renifle et jure en même temps.
Etan est entre nous deux et nous marchons du même pas décidé vers les quais.
Chacun tient le bras de l’autre et voilà qu’il se met à siffler J’men fous pas mal, de Piaf.
Ca tombe bien. Gwadale comme moi connaissons et partageons les plus grands malheurs d’Edith.

Enchantée, Etan.